Comment l'écosystème sportif peut-il mieux répondre aux déplacements forcés ?
Le jeu sportif peut être un outil puissant pour favoriser le bien-être et l’inclusion sociale de personnes réfugiées ou demandeuses d’asile. Bien que les activités sportives soient mentionnées dans la Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés (actions n° 63, 64 et 65) adoptée par le Gouvernement français en juin 2018, dans les faits, les liens entre acteurs sportifs et sociaux restent à renforcer.
Pourtant, il apparait nécessaire que l’écosystème sportif travaille de concert pour répondre au mieux aux crises et soutenir les personnes déplacées de force. Agir conjointement pour parvenir à créer et consolider des solutions concrètes et s’adapter aux enjeux auxquels les personnes déplacées font face, renforce significativement l’impact social des projets d’inclusion sociale par le sport. Ce ne pourra qu’être le fruit d’une action commune rassemblant des acteurs issus de domaines variés (social, sportif etc.).
En ce sens, PLAY International (PLAY) cocrée des outils pédagogiques et accompagne les professionnels travaillant avec des exilés depuis plus de cinq ans ; et depuis le début de la guerre en Ukraine, PLAY s’est mobilisé aux côtés de nombreux acteurs pour permettre une meilleure inclusion sociale des déplacés ukrainiens. Ainsi, d’une part, le Comité National Olympique du Sport Français (CNOSF) et le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques ont mis en relation la Fédération Française de Tennis et la Fédération Française de Taekwondo avec PLAY dans le but de cocréer un guide pour outiller les coachs, les éducateurs sportifs, et dirigeants des clubs qui, demain, accueilleront une ou plusieurs personnes en situation d’exil. Le guide fournit des lignes directrices sur les étapes à suivre pour intégrer au mieux les personnes réfugiées, avant, pendant ou après la pratique sportive.
D’autre part, les équipes de PLAY ont aussi entrepris des déplacements sur le terrain pour proposer des séances socio-sportives auprès de réfugiés ukrainiens et pour accompagner au mieux des partenaires dans la prise en main de ces séances : en périphérie de Paris, la mission France s’est rendue au sein des hébergements d’urgence ; en Hongrie, le Playlab s’est rendu aux côtés d’Oltalom Sport Association dans un camp de réfugiés ukrainiens ; en Slovaquie, c’est la mission du Kosovo qui s’est rendue dans des centres d’accueil avec People in Need. L’équipe du Playlab projette de se déplacer également en Pologne pour intervenir aux côtés de V4Sport Foundation pour la formation de professeurs, coachs et travailleurs sociaux.
Elle a déjà participé à un webinaire pour sensibiliser les enseignants, principalement du premier cycle, à la richesse du sport comme outil d’inclusion sociale. En effet, ces enfants et familles ont vécu un parcours d'asile souvent difficile et plus ou moins long. Un fois arrivés dans leur pays d'accueil, leur inclusion n'est pas acquise et de nombreux freins s'imposent à eux, allant des incompréhensions culturelles et linguistiques, aux démarches administratives et d'insertion. Le jeu sportif est en cela un outil puissant, permettant de dépasser les différences de chacun pour atteindre un but commun et ludique, affirmant le droit pour chaque individu d'apprendre, échanger et jouer.
Par ailleurs, il doit y avoir un changement dans la perception de la pratique sportive, et ce, à tous les échelons. Actuellement, l'accès au sport n'est pas facile pour ce public, notamment à cause des contraintes administratives ou de la dimension compétitive qui règnent encore beaucoup au sein des clubs. En impulsant une vision qui soit plurielle, l’activité sportive deviendra propice à la création d’espaces de rencontres, de temps d’échanges et d’inclusion entre les participants. Cette vision plus inclusive doit également se faire en faveur des primo-arrivants, notamment en ce qui concerne la prise en considération de leur culture du sport, de leur langue et de leur réalité.
De plus, l'activité sportive est une activité structurante dans le quotidien des personnes, autant qu'un espace de décompression face au stress de l’arrivée, de l’attente, ou encore des démarches. Ainsi, elle favorise le bien être psychologique comme physique, la création de liens sociaux, le maintien d’habitudes de vie, l’apprentissage de la langue d’accueil et rend possible un rétablissement d’une confiance en soi. C'est en cela qu'il est primordial de maintenir un volet loisir dans les clubs, pour permettre à davantage de personnes de s'y retrouver.
Enfin, un changement clé pour permettre la réalisation du rôle du sport dans son entièreté serait d’agir en faveur d’un renversement du paradigme au niveau institutionnel. Ainsi, il est nécessaire d’encourager les politiques publiques à simplifier les démarches pour permettre aux personnes déplacées d’intégrer un club sportif, notamment par une levée de freins administratifs et financiers. Cela se traduit par le fait d’encourager les politiques à donner les moyens pour faire de la pratique sportive un espace ouvert, collectif et inclusif. Cela peut se faire soit par l’attribution de moyens aux responsables des structures d’accueil et d’hébergement pour permettre un temps sportif et culturel au sein de la structure pour les bénéficiaires, soit par le fait d’intégrer le sport comme outil d’inclusion multifacette dans les formations socio-sportives (formations universitaires, certifications professionnelles).
Si le sport est une activité structurante, un espace de décompression pour échapper à un quotidien difficile, alors l’écosystème sportif doit jouer un rôle pour permettre son plein accomplissement pour toutes les personnes qui en ressentent le besoin.
________________________________________________________________________
Alexanne Bardet est chargée de mission Innovation Sociale au sein du Playlab de PLAY International.
Activité