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Dans la Charte olympique, de la politique entre les lignes
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Alors que les JO de Tokyo 2020 battent leur plein, cet article de The Conversation interroge le rapport entre Jeux Olympiques et politique.

Les Jeux olympiques (JO) doivent être « privés de toute ingérence politique », soulignait au début du XXe siècle Pierre de Coubertin, le rénovateur des Jeux. Difficile pourtant pour les champions d’échapper aux affaires du monde. Ainsi le judoka algérien Fethi Nourine s’est déclaré forfait lors des actuels JO de Tokyo pour éviter d’affronter son homologue israélien, expliquant sa décision par « son soutien à la cause palestinienne »rapporte France Info. Il a été alors suspendu par sa fédération nationale.

En effet, la règle 50.2 de la Charte Olympique stipule qu’« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ».

Une question qui agite le monde olympique

Cette question agite le monde olympique de manière remarquable depuis juillet 2020, si bien qu’une consultation auprès de 3547 sportifs concernant la règle 50.2 a été lancée par la Commission des Athlètes du CIO. Les résultats analysés par Publicis Sport & Entertainment semblent valider cette Règle en soulignant que 67 % des athlètes trouvent inapproprié d’exprimer leur opinion pendant les JO, au risque d’ailleurs de gêner les performances.

Mais le diable se cache dans les détails et il est important de s’interroger sur les termes précis de la règle 50.2. En effet, une autre enquête réalisée par le CNOSF datant de février 2021 met en avant « un déficit de compréhension » de cette règle :

« Le terme « démonstration » est parfaitement clair pour 62 % des sondés quand il ne l’est pas pour les autres. Le terme « propagande » est parfaitement clair pour 70 % mais reste nébuleux pour les autres. Le terme « protestation » n’est « pas » voire « absolument pas » clair pour 49 % des répondants. »

Les sportifs interrogés par la Commission des Athlètes du CIO avaient-ils tous les éléments à leur portée pour se prononcer sur cette règle ? En tout état de cause, le CIO a décidé de suivre les recommandations de la Commission des Athlètes en assouplissant cette règle mais en limitant malgré tout les athlètes dans l’expression de leur opinion pendant la période qui entoure et recouvre les Jeux olympiques (cérémonies, épreuves, podiums, hymnes).

Des actes entrés dans l’histoire olympique

Or, la situation est complexe puisque dans le cadre de plusieurs compétitions américaines récentes, des sportifs, à l’instar de Colin Kaepernick, ont levé le poing ou se sont agenouillés pendant l’hymne national, en soutien au mouvement Black Lives Matter et pour réclamer davantage de justice raciale.

Ces actes de résistance et de protestation rappellent fortement les poings levés gantés de noir de John Carlos et de Tommie Smith, sur le podium des JO de 1968, en soutien au mouvement Black Power.

Les deux sportifs, expulsés du village olympique, seront exclus à vie des Jeux olympiques mais leur image fait partie de l’histoire olympique, tout comme celle de l’Ethiopien Feyisa Lilesa, médaillé d’argent aux JO de Rio 2016, franchissant la ligne d’arrivée du marathon les poignets croisés au-dessus de la tête, en signe de protestation contre la politique menée par le gouvernement éthiopien à l’encontre des Oromos, une ethnie du pays.

Le blog Change Makers du Musée Olympique les met à l’honneur, aux côtés de personnalités politiques célèbres comme Barack Obama ou encore Nelson Mandela… avec pour leitmotiv :

« Si la vie d’un individu peut être compliquée simplement à cause de son sexe, de sa couleur de peau, de sa religion ou encore de son origine, la diversité des athlètes présents aux Jeux résonne comme un droit à la différence. Une participation aux JO, si elle ne change pas le monde, peut ainsi contribuer à le faire évoluer ». 

L’olympisme, un mouvement idéologique ?

L’exposition par un organe officiel de l’Olympisme de ces actes de militantisme sportif entre cependant en contradiction avec la Règle 50.2 et le principe affiché de neutralité politique des JO. Débat que relance le « collectif 50.2 », rassemblant 150 signataires, universitaires, sportifs et spécialistes du sport, à l’origine d’une lettre ouverte, relayée largement sur les réseaux sociaux.

Au-delà des questionnements sur la règle 50.2, ne pourrait-on pas se demander si le mouvement olympique ne fait pas lui-même œuvre de propagande en véhiculant la vision d’un monde meilleur par le sport, depuis sa création par Pierre de Coubertin ? Sans pour autant que ce mot ne soit connoté de manière négative puisqu’il renvoie à un idéal fédérateur, « la grande idée olympique » :

« Avec le rénovateur des Jeux Olympiques nous crûmes et pensâmes certainement tous que la rencontre pacifique des peuples sur le terrain du sport rapprocherait à tel point les nations, que les Jeux olympiques sous leur forme moderne deviendraient un élément puissant de propagande pour l’idée de la paix mondiale. » (Bulletin du Comité International Olympique, juin 1933, texte signé par ordre de la Commission, Dimanche 31 mai 1925. R. S. de Courcy-Laffan)

On trouve par exemple un long article intitulé « La propagande pour l’Olympisme » dans le Bulletin du Comité International Olympique de Février 1947 où il est annoncé qu’une « propagande intense » est « nécessaire afin de réussir pour le bien du monde l’œuvre salutaire de l’olympisme ».

À ce titre, le discours du Président du CIO, Thomas Bach, lors de la cérémonie d’ouverture des JO le 23 juillet 2021, ne relève-t-il pas d’une « idéologie politique » ? Il propose une vision du monde et exprime un point de vue, un idéal, celui de la « communauté olympique », partageant un même système de croyances.