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La Chine, première puissance sportive de demain ?
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A deux mois des JO d’hiver de Pékin 2022, Lukas Aubin et Jean-Baptiste Guégan décryptent le rôle du sport au sein de la Chine contemporaine.

Critiquée de toutes parts – à la fois pour le sort qu’elle réserve aux Ouïghours, pour sa remise au pas de Hongkong, pour la « dictature numérique » qu’elle a instaurée à l’intérieur de ses frontières, ou encore pour l’inquiétante affaire de la tenniswoman Peng Shuai –, la République populaire de Chine s’apprête à accueillir à Pékin les JO d’hiver dans une ambiance délétère.

On sait déjà que ces Jeux seront boycottés diplomatiquement – pas sportivement – par les États-Unis, l’Australie, le Royaume-Uni et le Canada. D’autres pays pourraient leur emboîter le pas. Malgré ces contrariétés, la Chine fait pourtant du sport un élément essentiel de son pouvoir.

Le pays a érigé tout au long du XXe siècle un système politico-économico-sportif total dont les objectifs à long terme sont d’élever la performance sportive à son plus haut niveau pour devenir la première puissance sportive mondiale d’ici à 2049, date du centenaire de la révolution maoïste.

Comment la Chine est-elle devenue une sérieuse candidate au titre de première puissance sportive de la planète ?

Le sport pour s’émanciper du joug bourgeois

L’histoire du sport moderne en Chine est avant tout celle d’une revanche. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le mouvement sportif chinois est contrôlé par les États-Unis, par l’intermédiaire de la Young Men’s Christian Association (YMCA), qui organise les programmes sportifs scolaires et les compétitions locales.

Grâce au sport, la YMCA cherche avant tout à « évangéliser » et « civiliser » « l’homme malade de l’Asie ». Mais avec le début de la guerre civile chinoise en 1927, les critiques contre l’impérialisme américain se font de plus en plus présentes.

Mao Zedong s’empare politiquement du domaine du sport afin d’en faire un argument pour lier force nationale et éducation physique. L’objectif est de redresser le corps de la nation chinoise par le prisme du corps de la population. Entre 1927 et 1949, l’éducation physique et la discipline militaire font partie intégrante du programme du Parti communiste chinois.

Dès le lendemain de la révolution de 1949, Mao appelle « à développer le sport et la culture physique et à renforcer la condition physique du peuple ». Les autorités chinoises vont même plus loin. Si le sport est une arme de « l’anti-féodalisme », il est également une arme de « l’anti-impérialisme » : il s’oppose au modèle sportif américain jugé bourgeois.

Afin de s’en émanciper, Mao décide de prendre le meilleur des modèles sportifs des autres pays communistes, dont l’URSS est la tête de gondole. Dès lors, la Chine multiplie les échanges par l’intermédiaire de « tournées de bonne volonté » à l’intérieur et à l’extérieur de son territoire avec les « pays frères ».

Le système sportif chinois s’inspire grandement du modèle soviétique : les manuels sportifs de l’URSS sont traduits en mandarin, le système politico-économico-sportif chinois devient vertical et public, les associations et syndicats sportifs sont créés, l’apparition de classements favorise l’émergence des athlètes de haut niveau, qui disposent désormais de la possibilité de s’entraîner à temps plein dans des structures idoines.

L’affaire des deux Chine : exister à l’échelle internationale

Parallèlement, la RPC cherche à intégrer les grandes instances du sport mondial pour pouvoir exister sur la scène internationale. Dès 1952, Mao Zedong souhaite rejoindre le CIO pour pouvoir participer aux JO d’Helsinki.

Problème, la Chine y est déjà représentée depuis 1922 par la République de Chine (ROC) et son Comité national olympique chinois (CNO) pré-existant à la révolution maoïste. En 1951, 19 des 25 membres du CNO chinois s’envolent pour Taïwan et participent à la création de facto de l’État de Taïwan. Ils demandent officiellement au CIO de prendre une position définitive.

Dans le même temps, la RPC formule la demande de participation aux JO. Cela a pour effet de créer deux entités politiques qui revendiquent un même territoire : c’est l’affaire des deux Chine. Pris entre deux feux, le CIO décide d’admettre des athlètes des deux territoires et d’éluder la question du statut de ces deux pays. La RPC envoie 38 hommes et 2 femmes à Helsinki. C’est la première fois de l’histoire olympique que le drapeau de la RPC flotte lors d’un événement sportif international. En réponse, Taïwan refuse d’envoyer ses représentants.

Deux ans plus tard, en 1954, le CIO est la première grande organisation internationale à officiellement reconnaître la RPC et son « Comité olympique de la République populaire de Chine ». Mais il continue aussi à reconnaître la Chine nationaliste présente à Taipei. Ainsi les deux délégations sont-elles présentes lors de la cérémonie d’ouverture des JO de Melbourne en 1956.

En voyant le drapeau de la ROC flotter sur la ville australienne, Mao demande à sa délégation d’athlètes de repartir à Pékin et de quitter les JO (EN). La Chine est donc exclue du mouvement olympique en 1958, faute de solution.

Le temps de l’ouverture

À partir des années 1960, les dirigeants chinois font du sport un élément de la diplomatie du pays et le ping-pong est proclamé sport national. En 1959, le pongiste Rong Guotuan (EN) remporte les championnats du monde de tennis de table et offre à la RPC son premier sacre sportif de premier plan. Pour Mao, cette victoire est « une arme nucléaire spirituelle » : « La balle de ping-pong représente la tête de l’ennemi capitaliste », la frapper avec la « raquette socialiste » permet de marquer « des points pour la mère patrie ».

Il s’agit bien entendu de renforcer l’image de la Chine dans le monde, dans un contexte d’isolement vis-à-vis des puissances occidentales et de tensions croissantes avec l’URSS.

Si le sport permet au pouvoir chinois de signifier une intention négative, il devient un vecteur diplomatique positif à partir des années 1970. En effet, entre 1971 et 1972, le slogan chinois « L’amitié d’abord, la compétition après » se traduit par l’émergence de la célèbre « diplomatie du ping-pong » (EN), qui voit des échanges de pongistes américains et chinois participer au renouveau des relations entre les deux pays.

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