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L’apparition du COVID-19 a fait rejaillir l’importance pour le secteur du sport pour le développement d’intégrer les communautés défavorisées ou minoritaires dans les événements sportifs
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Après avoir vu le monde entrer dans une période de confinement, les organisations sportives et les acteurs du sport pour le développement réfléchissent : est-ce le moment de changer profondément l’impact du sport sur nos sociétés ?

Cette année, les événements sportifs mondiaux tels que les Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo ainsi que les Championnats Européens de football ont été reportés en 2021, tandis que les compétitions dans d’autres pays en développement, à leur grand désespoir, pourraient ne jamais avoir lieu, à l’exemple de la Copa America et des Championnats d'Afrique des nations de football.

Mais qu'en est-il des communautés dont les moyens de subsistance sont liés à ces événements sportifs à grande échelle, en impactant leur capacité à travailler, à participer à des activités communautaires, à subvenir aux besoins de leurs familles. Ces événements sportifs internationaux soulignent, à travers leurs investissements et leurs retours, les inégalités qui existent dans le monde du sport, à savoir apporter de la richesse à une élite et négliger la masse. A l’avenir, pourrions nous concevoir des événements sportifs sur mesure qui permettraient de combler cet écart ?

En 2013, le Japon, qui a remporté le droit d’accueillir à Tokyo les Jeux olympiques et paralympiques de 2020, crée pour l’occasion le programme « Sport For Tomorrow ». Ce dernier repose sur trois piliers :

  1. La coopération internationale et les échanges par le sport ;
  2. Une académie sportive internationale ;
  3. « Jouer vrai 2020 ».

Sur le papier, l'initiative Sport For Tomorrow semble incarner les principes du sport au service du développement. Mais l’application et le processus de ces initiatives nous montrent le contraire. Dans le cadre de la coopération et des échanges internationaux par le biais de l’initiative sportive, des équipes de bénévoles, entraîneurs et athlètes, ont été envoyés dans des pays en développement pour favoriser la mise en place de la pratique des Sports Olympiques et de la culture sportive japonaise. Cette initiative nous dévoile le véritable intérêt du Japon : intensifier son influence en termes de diplomatie culturelle et sociale à travers le monde.

Alors que l’initiative « Académie sportive internationale » a permis à l'élite japonaise de bénéficier des structures universitaires, cette opportunité n’a pas été offerte à d’autres communautés comme celles touchées par le tremblement de terre de 2011, les sans-abris, les personnes avec un handicap ou âgées, ainsi que les jeunes en difficultés.

Quant au programme « Jouer vrai 2020 », il a été utilisé via les réseaux des ambassades et consulats afin d’établir de nouvelles relations mondiales en organisant des conférences internationales, des programmes de recherche en sciences sociales et en initiant les principes d’une éducation fondée sur les valeurs japonaises dans les pays en développement. Cela démontre une nouvelle fois que le principal objectif du Japon était de gagner en « soft power ».

La conception et les objectifs du programme Sport For Tomorrow sont symptomatiques de la façon dont les pays du Nord utilisent leur pouvoir sur le monde en développement. Au lieu d'utiliser les connaissances et l'expertise des volontaires locaux, le Japon s’est efforcé d'augmenter son pouvoir diplomatique. Une approche qui a été fortement critiquée par plusieurs acteurs du sport pour le développement et identifiée comme étant une approche néocolonialiste.

Les communautés locales doivent aussi avoir du pouvoir, il est temps d’imposer la création de programmes relevant d’une démarche ascendante (approche bottom-up). En excluant les communautés locales défavorisées ou minoritaires, le programme Sport For Tomorrow a permis à l’élite japonaise de bénéficier de structures éducatives et sportives spécifiques. Il s'agit là d'un problème considérable, qui doit être traité et résolu par le secteur du sport au service du développement, les pays hôtes et toutes les instances dirigeantes du sport mondial.

L’absence d’experts du sport pour le développement, dans la création du programme Sport For Tomorrow a mené à l’incohérence de la mise en application de ce programme. Pour assurer un héritage profitable et durable dans les pays hôtes d’évènements sportifs ainsi qu’à leurs communautés locales, les acteurs du sport au service du développement doivent agir et obtenir du Comité International Olympique que celui-ci incorpore de nouvelles règles dans son processus de candidature (EN) :

  1. La création obligatoire d'un programme de sport vecteur pour le développement ;
  2. La constitution d’un consortium de parties prenantes impliqué dans le sport pour le développement, avec la collaboration des comités des pays hôtes ;
  3. La sélection d'une structure impliquant les communautés locales et établie par des experts du sport pour le développement.

En utilisant la structure du Comité International Olympique et l'expertise des acteurs du sport pour le développement, ces programmes et leurs applications, ainsi définis, auront le pouvoir de créer des héritages profitables et durables pour les pays hôtes et leurs communautés locales, soit un vecteur fort et enrichissant du sport pour le développement dans le pays hôte et une reconnaissance mondiale renforcée.

L'exemple du Japon, utilisant le sport comme un outil pour gagner du pouvoir et développer une élite au lieu d’élever les communautés défavorisées doit être le dernier. La conception des futurs événements sportifs, qu'ils soient locaux, nationaux ou internationaux, sera cruciale pour le secteur du sport au service du développement, et plus largement, pour voir la richesse distribuée de manière ascendante, en créant ou en utilisant des structures éducatives et sportives. Il est temps de redistribuer le pouvoir et l'argent, d’offrir un temps de parole, d’action et de légitimité à toutes les personnes ou à tous les sportifs œuvrant à travers le sport au développement social de notre monde.

Niels Lengrand (EN) est un passionné du mouvement « Sport For Tomorrow ». Il aspire à devenir spécialiste des événements à grande échelle et de l'égalité des sexes. Il est fraîchement diplômé d'un master en diplomatie culturelle et événements internationaux (EN) à l'Université de West of Scotland. Il travaille à la création d’une plateforme qui informerait le grand public sur ce qu’est « le sport pour le développement ». Son prochain projet consiste à faire un tour du monde en 2021 afin de mieux comprendre les disparités et le fonctionnement des associations sportives œuvrant pour le développement sur les cinq continents.