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Le corps à l’école : une dimension oubliée
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Sylvain Wagnon et Fabien Groeninger, respectivement professeur et chercheur associé à l’Université de Montpellier, interrogent le rôle du corps et sa perception au sein de l’espace scolaire, dans un contexte de confinement généralisé où la question de la sédentarité est plus que jamais présente. Un article The Conversation.

Fin novembre 2020, le ministère de l’Éducation nationale a lancé l’opération 30 minutes de sport par jour à l’école afin de lutter contre la sédentarité des enfants. Un problème important déjà avant l’épidémie de Covid-19, et que les périodes de confinement généralisé ont rendu plus criant encore, comme l’ont montré de premières études scientifiques (EN).

Au-delà de cette mesure, et de la prise de conscience qu’elle suppose, le rôle du corps dans les apprentissages reste posé. Ne s’agit-il pas de l’un des grands oubliés de l’histoire scolaire française ? Comment aujourd’hui envisager une éducation qui tienne compte de l’enfant dans sa globalité, afin de favoriser l’épanouissement et l’émancipation de tous ?

Émergence de l’EPS

La proposition du ministère pour développer l’activité physique des élèves se situe dans la lignée de l’initiative internationale Daily mile. Créée en Écosse dès 2012, cette opération consiste à faire courir chaque jour aux enfants de toutes les écoles un mile, soit plus de 1500 m.

L’objectif affiché en France est de lutter contre les conséquences de la sédentarité, et l’activité corporelle s’y limite à la motricité. En Finlance, le projet scolaire Finnish Schools on the Move (EN) a lui beaucoup plus d’envergure et vise à intégrer l’activité physique dans l’organisation de la journée scolaire, sans la cantonner à une activité.

Sur la base du volontariat, plus de 90 % des écoles finlandaises y participent. Les récréations sont programmées régulièrement pour que les enfants ne restent pas plus de deux heures assis, tandis que des exercices de relaxation préparent les élèves à se concentrer pour l’ensemble des activités scolaires.

En France, l’éducation physique est certes intégrée de longue date à l’école, et la Troisième République lui a même assigné des finalités civiques, patriotiques, hygiénistes et économiques. Progressivement, la dimension sportive a été prise en compte – notamment sous le Front populaire avec Jean Zay, qui y voyait une mesure de justice sociale et d’égalité. Mais il a fallu attendre 1962 pour que la naissance institutionnelle de la discipline soit officielle.

Néanmoins, l’éducation physique et sportive reste une matière qui doit constamment réaffirmer sa légitimité face aux disciplines dites « intellectuelles ». Cette histoire mouvementée des liens entre éducation physique et intellectuelle explique en partie que les enseignants d’EPS n’aient été totalement intégrés administrativement à l’Éducation nationale qu’en 1981 – ils dépendaient auparavant du ministère de la Jeunesse et des Sports.

Tabou historique

Les travaux pionniers de Pierre Arnaud, Georges Vigarello, Jacqueline Descarpentries ou Bernard Andrieu ont souligné cette hiérarchisation des apprentissages cognitifs sur ceux du corps pour des raisons en grande partie religieuses et politiques. Le corps, perçu comme un obstacle et un objet de perturbations, est exclu du cadre scolaire. C’est un corps obéissant, domestiqué, et normalisé que l’école française a modelé à travers la forme multiséculaire de la salle de classe où les enfants sont assis toute la journée.

Il y a un vrai tabou historique du corps à l’école, de sa connaissance et de la prise en compte du rythme biologique de l’enfant dans les apprentissages.

Sylvain Wagnon et Fabien Groeninger sont respectivement professeur des universités en sciences de l'éducation à la Faculté d'éducation, et chercheur associé au Lirdef (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique, Éducation et Formation) de l'Université de Montpellier