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Sport et droit d’asile
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Dans le pays d’origine d’un demandeur d’asile, le sport a pu devenu un facteur (parmi d’autres) d’exposition à de graves menaces, qui mène à l’obtention d’une protection dans un pays d’accueil. Dans ce dernier, il peut rejouer un rôle essentiel d’intégration pour les réfugiés.

En tant que juge de l’asile, je n’ai vu qu’un seul cas de sportif persécuté en cette qualité, mais il m’a marquée. Il s’agissait d’une femme, capitaine d’une équipe nationale dans un pays en guerre. L’équipe, à l’origine multiconfessionnelle, s’était progressivement déchirée sous la montée des persécutions. Ses coéquipières la menaçaient, face à son refus de prendre position en faveur du gouvernement, tandis qu’elle subissait des brimades de ses entraîneurs du fait de sa confession. Le sport, puissant vecteur de cohésion, ne pouvait à lui seul permettre de rester unis contre l’adversité d’un régime devenu barbare et responsable de persécutions religieuses, ethniques, politiques ou sociales.

La plupart du temps, le sport est plutôt une toile de fond qui, exposant la personne à une visibilité sociale accrue, constitue un contexte propice à ces persécutions identifiées dans la Convention de Genève de 1951. De multiples récits de demandeurs d’asile le révèlent. En Guinée, il en va du sport comme des partis politiques, fortement ethnicisés. Des tournois de foot organisés par l’UFDG, parti d’opposition rassemblant des Peuls souvent discriminés, dégénèrent en bataille rangée avec les Malinkés. Au Bangladesh, ou la vie politique est fortement bipolarisée, il en va de même entre les équipes du BNP et de la Ligue Awami. Dans d’autres cas, des relations homosexuelles peuvent se nouer, menant à des persécutions dans une société traditionnaliste, et à la reconnaissance d’un statut de réfugié en raison de l’appartenance à un « groupe social » jugé déviant, marginal[1].

Outre le statut de réfugié, une seconde protection, dite « subsidiaire », protège aussi les civils fuyant les conflits armés : comment oublier le terrible parcours des sœurs Mardini, nageuses syriennes, qui ont dû pousser leur embarcation pendant de longues heures en mer Méditerranée ? Tandis que l’une intégrait l’équipe olympique des réfugiés de 2016 à Rio, l’autre était emprisonnée et poursuivie par la justice grecque en 2018, pour avoir aidé à secourir d’autres naufragés, happée dans le processus de criminalisation des sauveteurs en mer[2].

Le droit d’asile permet à ces sportifs de retrouver la sécurité, un toit, des soins, bref : les priorités de l’urgence. Cependant, à plus long terme, ce n’est qu’un titre de séjour, qui ne mène pas en soi à une intégration durable. Alors, le sport retrouve sa vocation à rassembler et transcender les obstacles linguistiques et culturels, et on voit des Afghans et Soudanais jouer au cricket, à Doué-la-Fontaine, en pleine campagne française.

Un fond d’écran qui peut exposer à des persécutions »

Le sport peut permettre d’alléger des traumatismes, de faire parler les corps ensemble, de découvrir une culture différente, de s’ancrer dans une collectivité et un territoire. Cela ne va pas de soi : avant d’être reconnu réfugié, le demandeur d’asile aura suivi un parcours souvent haché, notamment du fait d’une interdiction de travailler, et d’un hébergement précaire et directif, le menant à devoir quitter brutalement une région pour une autre, sans choisir ni prévenir les clubs qui l’avait accueilli.


[1] Voir à ce sujet l’interview de Sita sur le site Les Dégommeuses, publiée lors de la journée internationale des réfugié.e.s 2020, disponible sur www.lesdegommeuses.org

[2] Voir à ce sujet l’article consacré aux sœurs Mardini sur le site du média suisse Le Temps, www.letemps.ch

[Cet article est tiré de la Revue n°51 intitulée « Sport et réfugiés : conclusions du projet FIRE » du Think tank Sport et Citoyenneté.]

À propos de l'auteur

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Sport et Citoyenneté est un Think tank créé à Bruxelles en septembre 2007, dont l’objet d'étude est l’analyse des politiques sportives et de l’impact sociétal du sport. Sport et Citoyenneté s’appuie sur dix années d’expertise et bénéficie d’une reconnaissance des autorités publiques et des parties prenantes du sport européen. Il est ainsi régulièrement consulté par les institutions internationales et européennes, les États Membres, le mouvement sportif et la société civile qui le reconnaissent comme un interlocuteur privilégié dans ce domaine.