« Un accélérateur pour la structuration et la popularité de notre sport »
Comment jugez-vous l’évolution du football féminin ?
CP : J’ai suivi cette évolution de près, comme joueuse puis consultante, dirigeante et enfin réalisatrice du documentaire « Little Miss Soccer»*. Le changement majeur s’est opéré au niveau des médias, qui ont permis d'installer le football féminin dans les habitudes des Français. Cette visibilité permet la légitimité. Si les représentations évoluent, si les mentalités changent notamment grâce aux résultats et au talent des joueuses, le football au féminin n’est pas encore confortablement installé. C'est aussi ce que nous constatons plus généralement lorsqu'on évoque la place de la femme dans la société.
Que peut apporter la Coupe du monde ?
CP : Cela aura un effet d’accélérateur sur la structuration et la popularité de notre sport en général. Se réunir autour des Bleu.e.s est toujours fédérateur. J’espère que ce sera l’occasion de parler du jeu, des femmes qui font le foot, pas seulement celles qui sont sur les terrains. De parler du football comme levier au service de valeurs, d’actions qui dépassent le rectangle vert. Nous avons la responsabilité de parler du jeu mais aussi de nous.
Vous êtes, avec Mélina Boetti, à l’initiative du projet Little Miss Soccer (cf. p. 2), un tour du monde des femmes qui font le foot. Pourquoi ce projet ?
CP : Aujourd’hui, plus de 33 millions de femmes jouent au football dans le monde. Nous sommes parties il y a deux ans caméra au poing et balle aux pieds, avec curiosité, sur leurs traces. Nous avons arpenté la « planète football » sur les cinq continents, avec une grande motivation : mettre en lumière les jeunes filles et les femmes dont le droit au but est un défi permanent. Nous voulions raconter l'histoire de celles que nous ne voyons pas ou peu ; des histoires rythmées par le ballon rond comme vecteur d’émancipation, reflet de la société et de la condition de vie de ces femmes. La singularité de chacune s’inscrit dans une promotion engagée du football et prend la forme d'un documentaire et d’un livre illustré.
En quoi le football peut-il jouer un rôle dans l’autonomisation des femmes ?
CP : Le simple fait de jouer au football en tant que fille ou femme est déjà une façon de s’émanciper et de conquérir une forme d'autonomie. Il ne faut pas oublier que le football est considéré, par défaut, comme un sport propriété des hommes. Et hélas, c'est « vrai » partout dans le monde ! Il est vraiment devenu universel depuis que les femmes y jouent. Ensuite, dans chaque société, elles lutent avec plus ou moins d'engagement contre un machisme ambiant installé. Le football est un puissant outil car il représente un terrain de contestation, voire de provocation, mais utile pour faire bouger les mentalités. Quand les femmes l'occupent, les détracteurs s'habituent et les plus féministes d'entre eux applaudissent. Plus que de l’autonomie, le football doit parvenir à fédérer hommes et femmes et imposer une solidarité naturelle qui permettra à chacun.e de s'épanouir sur le rectangle vert, mais aussi en dehors.
*Le projet Little Miss Soccer est présenté plus en détails dans l’ouvrage « Le sport, outil d’émancipation des filles et des femmes à travers le monde », écrit par Marie-Cécile Naves, directrice des études du think tank Sport et Citoyenneté. Alors que l’accès aux droits et aux ressources est dénié aux filles et aux femmes partout dans le monde, cet ouvrage met en lumière onze bonnes pratiques promouvant leur émancipation par ou dans le sport afin qu’elles prennent toute leur place dans la société et que soient combattues discriminations et inégalités structurelles genrées.
[Cet article est tiré de la revue Sport et genre du Think tank Sport et Citoyenneté.]
À propos de l'auteur
Sport et Citoyenneté est un Think tank créé à Bruxelles en septembre 2007, dont l’objet d'étude est l’analyse des politiques sportives et de l’impact sociétal du sport. Sport et Citoyenneté s’appuie sur dix années d’expertise et bénéficie d’une reconnaissance des autorités publiques et des parties prenantes du sport européen. Il est ainsi régulièrement consulté par les institutions internationales et européennes, les États Membres, le mouvement sportif et la société civile qui le reconnaissent comme un interlocuteur privilégié dans ce domaine.
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