Au-delà du terrain de jeu : utiliser le sport pour lutter contre les discours de haine et la discrimination à l'égard des réfugiés

par Hani Al Rawashdeh

Alors que les plateformes numériques amplifient les faux récits et que les acteurs politiques exploitent la xénophobie à des fins lucratives, le sport apparaît comme un outil puissant, quoique sous-exploité, pour contrer ces tendances néfastes. Grâce à une programmation ciblée et à une mise en œuvre stratégique, le sport peut démanteler les stéréotypes, favoriser des liens significatifs et transformer les récits hostiles en récits d'humanité partagée.

La crise croissante de la discrimination des réfugiés

La désinformation sur les réfugiés se propage à l'échelle mondiale, sapant la cohésion sociale et affaiblissant les processus démocratiques. Un rapport de 2025 du Centre Andrew & Renata Kaldor pour le droit international des réfugiés souligne comment les réfugiés sont devenus des boucs émissaires injustement ciblés, accusés sans preuve d'être responsables de problèmes sociétaux allant de la pénurie de logements à l'inflation. Cette tendance reflète une tendance mondiale plus large où la rhétorique xénophobe gagne du terrain via les plateformes numériques, rendant la désinformation plus difficile à contenir. Les conséquences sont graves. Si les réfugiés subissent les conséquences les plus dures de la discrimination, de l'exclusion sociale et des politiques punitives, les dommages s'étendent à la société. Lorsque le discours public se fonde sur de fausses informations, il conduit à des lois défaillantes, à des politiques inadéquates et à un affaiblissement des institutions démocratiques. L'érosion de la vérité menace les fondements de la paix et de la prospérité que les sociétés multiculturelles ont bâtis.

Cette escalade des discours de haine représente ce que les chercheurs ont qualifié de « violence banale » – des actes néfastes qui, malgré l'absence de massacres, privent les populations vulnérables de leurs droits et de leurs moyens de subsistance. L'accélération numérique de ces discours crée un environnement particulièrement dangereux, la désinformation générée par l'IA alimentant les préjugés existants.

Le sport comme pont entre les divisions

Dans un paysage marqué par des différences culturelles et sociales profondément ancrées, le sport apparaît comme un outil particulièrement puissant pour surmonter les divisions. Contrairement au dialogue formel, parfois perçu comme forcé ou excessivement politisé, les activités sportives favorisent naturellement un environnement propice à une véritable interaction entre divers groupes. À Accra, les sports communautaires ont démontré comment le partage d'expériences et d'objectifs communs peut contribuer à briser les barrières qui alimentent la discrimination.

Les événements sportifs locaux, notamment les matchs de football, constituent un espace dynamique permettant aux jeunes d'échanger entre eux au-delà des stéréotypes. En jouant ensemble, les participants nouent non seulement des liens d'amitié, mais s'imprègnent également de la richesse des traditions et des valeurs de chacun. Ces interactions sont essentielles pour remettre en question les discours profondément ancrés de séparation et de préjugés.

De plus, les initiatives sportives communautaires à Accra illustrent comment la participation collective peut favoriser la cohésion sociale. Lorsque les individus collaborent sur le terrain, œuvrant pour des objectifs communs et célébrant ensemble les victoires, les liens de confiance et de camaraderie qui en résultent s'étendent bien au-delà du jeu. Ce processus organique de connexion souligne le pouvoir transformateur du sport pour unir les communautés et combler les fractures sociales.

Stratégies efficaces pour lutter contre la discrimination par le sport

Créer des contre-récits grâce à la visibilité

Les programmes sportifs peuvent accroître stratégiquement la visibilité des athlètes réfugiés, en mettant en valeur leurs talents, leur résilience et leurs contributions. En mettant en avant les réussites – non pas comme des exceptions, mais comme des exemples représentatifs – les initiatives sportives remettent en question les discours dominants qui présentent les réfugiés comme des menaces ou des fardeaux.

Une mise en œuvre efficace implique :

• Partenariat avec les médias pour présenter les athlètes réfugiés dans des portraits positifs et dignes
• Créer des plateformes permettant aux réfugiés de partager leurs propres histoires à travers le sport
• Documenter et amplifier l’impact positif des initiatives sportives inclusives sur la communauté

Concevoir des programmes pour un contact significatif

Tous les programmes sportifs ne réduisent pas automatiquement les préjugés. Les recherches montrent que les contacts entre groupes sont plus efficaces pour réduire la discrimination lorsqu'ils impliquent un statut égal, des objectifs communs, la coopération plutôt que la compétition, et un soutien institutionnel.

Les initiatives réussies devraient :

• Assurer des équipes mixtes avec une représentation équilibrée
• Privilégier les activités collaboratives parallèlement aux activités compétitives
• Créer des opportunités structurées d'échange culturel pendant et après les événements sportifs
• Impliquer les dirigeants et les institutions communautaires pour légitimer les efforts d'intégration

Former les participants à la défense de la lutte contre la discrimination

Les programmes sportifs peuvent aller au-delà du simple rassemblement de groupes divers en donnant activement aux participants les moyens de reconnaître et de combattre les discours de haine et la discrimination. Cela transforme les participants passifs en acteurs actifs du changement positif au sein de leurs communautés.

Les principaux composants comprennent :

• Intégrer des ateliers sur l’identification de la désinformation et des discours de haine
• Enseigner des compétences concrètes pour une intervention respectueuse face à la discrimination
• Former les jeunes réfugiés et des communautés d'accueil en tant qu'éducateurs pairs
• Développer des campagnes menées par des jeunes qui utilisent les événements sportifs comme plateformes

Impact à grande échelle : du succès local au changement systémique

Si les initiatives sportives locales ont un impact considérable, relever le défi mondial de la discrimination envers les réfugiés nécessite des stratégies de déploiement à grande échelle et de pérennisation. Les approches les plus efficaces combinent trois éléments :

• Appropriation communautaire : Les programmes doivent être conçus en collaboration avec les communautés de réfugiés plutôt qu'imposés de l'extérieur. L'exemple de Kakuma montre comment les initiatives locales créent un impact durable en s'attaquant aux tensions contextuelles.
• Intégration institutionnelle : Les efforts de lutte contre la discrimination basés sur le sport atteignent une plus grande ampleur lorsqu’ils sont intégrés aux systèmes existants (écoles, centres communautaires, clubs de jeunes et programmes d’aide aux réfugiés) plutôt que de fonctionner comme des initiatives isolées.
• Plaidoyer fondé sur des preuves : les organisations sportives doivent documenter leur impact au moyen d’une évaluation rigoureuse, en utilisant ces preuves pour plaider en faveur de changements de politique qui s’attaquent à la discrimination structurelle à l’encontre des réfugiés.

Recommandations aux praticiens

Pour maximiser le potentiel du sport dans la lutte contre les discours de haine et la discrimination à l’encontre des réfugiés :

• Établir des partenariats avec des organisations d’alphabétisation numérique pour apprendre aux participants à identifier et à contrer la désinformation en ligne sur les réfugiés
• Intégrer les récits des réfugiés et de la communauté d’accueil tout au long de la conception, de la mise en œuvre et de l’évaluation du programme
• Forger des collaborations multisectorielles qui relient les initiatives sportives aux médias, aux organisations d'aide juridique et aux groupes de défense des politiques travaillant sur les droits des réfugiés
• Développer des indicateurs spécifiques au contexte pour mesurer les changements d'attitudes, de comportements et de pratiques institutionnelles liés à la discrimination

Le sport ne peut à lui seul résoudre les défis complexes du déplacement et de la discrimination. Cependant, lorsqu'il est mis en œuvre avec détermination et intégré à des efforts plus larges de changement systémique, il offre une plateforme puissante pour transformer les discours néfastes et bâtir des communautés plus inclusives.

Le mouvement mondial croissant qui utilise le sport pour soutenir les réfugiés démontre qu'un autre discours est possible : un discours qui célèbre notre humanité commune plutôt que d'exploiter nos peurs et nos différences. La question n'est pas de savoir si le sport peut combattre les discours de haine et la discrimination envers les réfugiés, mais si nous exploiterons pleinement son potentiel pour y parvenir.

À propos de l'auteur

Hani Al Rawashdeh. Spécialiste des politiques et du plaidoyer chez Générations pour la Paix (GFP), où il conçoit et promeut des initiatives basées sur le sport pour favoriser la paix, transformer les conflits et renforcer les communautés touchées par les déplacements. Son travail intègre le sport comme catalyseur de la santé mentale et du soutien psychosocial, de la protection de l'enfance et de la prévention de la violence, répondant ainsi aux besoins critiques dans les contextes fragiles.

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