Le ballon n’a pas de frontières : Fútbol Más et l’inclusion des réfugiés et des personnes déplacées dans les contextes urbains

Dans ce contexte, les villes sont confrontées à des défis complexes découlant des déplacements forcés, tels que l'intégration des réfugiés dans leurs communautés d'accueil. Avec le temps le sport, et en particulier le football, s’est consolidé comme un outil puissant pour promouvoir l'inclusion sociale et combattre la discrimination.
C'est une réalité que l'organisation Fútbol Más, depuis sa naissance au Chili en 2008, a pu expérimenter dans différents pays, en générant pour les enfants et les jeunes un espace sociosportif protégé, centré sur leur bien-être et leur développement personnel, émotionnel et social. Cet article explore comment le sport peut transformer positivement la vie des personnes déplacées et des réfugiés dans des contextes urbains, et comment la discrimination peut être combattue par des programmes sportifs qui favorisent le sentiment d’appartenance, la cohésion et le respect mutuel. Comment le sport peut-il favoriser l'intégration des réfugiés et des personnes déplacées en milieu urbain ?

L'approche et les expériences de Fútbol Más en matière d'inclusion des personnes déplacées et des réfugiés, de lutte contre la discrimination.
Les discours et les actions discriminatoires constituent des obstacles importants à l'inclusion des personnes déplacées au sein des communautés d'accueil. Or le sport peut jouer un rôle crucial dans la construction de sociétés plus inclusives et plus respectueuses. Fútbol Más relève ces défis en créant des espaces où chacun, quelle que soit son origine, peut partager une expérience commune et renforcer des valeurs telles que le respect et le travail d'équipe. À cette fin, il est important de développer des méthodologies et des activités concrètes qui permettent aux gens de se sentir intégrés dans la communauté d'accueil.
Pour créer du lien au sein du groupe et entre groupes, Fútbol Más utilise par exemple la création de symboles communs et de rites. Les équipes créent leur identité commune en créant un logo, une bannière, un hymne, des célébrations de but en commun. Les processus collaboratifs de création associés permettent de générer des liens positifs et de la confiance entre membres du groupe qui ne se connaissaient pas au début ; ce qui aide les jeunes déplacés à se créer un réseau de soutien, un premier aspect clé de l’inclusion.
D’autre part, Fútbol Más utilise le carton vert, un outil pédagogique qui renforce les comportements prosociaux plutôt que de punir les comportements négatifs. Cette méthodologie contribue à créer un environnement positif, inclusif et non discriminatoire, où l'accent est mis sur les forces et les compétences que chaque jeune développe tout au long de son parcours. Cet outil est devenu le langage universel dans les différents contextes d'intervention notamment auprès des personnes déplacées, où le défi de travailler avec des langues ou des modèles culturels différents est souvent présent.
Parmi les expériences les plus significatives développées par Fútbol Más en France, le programme « Terrains d'Avenir », développé en partenariat avec PLAY International, Kabubu, Ovale Citoyen, Emmaüs Solidarité et Taekwondo Humanitarian Foundation ; et financé par la Fondation Olympique pour les Réfugiés, qui a pris fin récemment après 3 ans de programme.

Le programme « Terrains d'Avenir » s'adressait aux jeunes réfugiés et déplacés (âgés de 10 à 24 ans) de la région Ile-de-France. L'objectif du projet était d'accompagner l’inclusion et améliorer le bien-être de ces jeunes à travers le sport.
Les jeunes avaient accès à une programmation socio sportive et culturelle gratuite, leur permettant de pratiquer des activités sportives en groupe toutes les semaines, en plus de pratiquer la langue française et de développer diverses compétences.
Le programme intégrait aussi une formation de jeunes leaders, qui ont bénéficié d’un cycle de formations pour eux-mêmes pouvoir animer des activités sociosportives avec des enfants et des jeunes, et ainsi se doter de nouveaux outils professionnels. En outre, pour conclure la formation, une visite au Parc des Princes a été effectuée en guise de récompense afin de renforcer le sentiment d'appartenance des jeunes leaders. Cette formation leur a permis d'acquérir des compétences utiles à leur développement personnel et professionnel dans le domaine du sport.
Une autre des activités développées par « Terrains d'Avenir » correspond aux sorties récréatives et socio-éducatives en milieu urbain, axées sur le renforcement du sentiment d'appartenance des jeunes participants à la communauté d'accueil. De nombreux jeunes du programme ont ainsi eu l’opportunité par exemple d’assister à diverses disciplines des Jeux Olympiques de Paris 2024.
Défis et apprentissages basés sur l’expérience
Sans aucun doute, l’implémentation de ce type de programmes présente aussi des difficultés. Les barrières linguistiques par exemple, pour animer une séance avec des jeunes qui ne parlent pas français et viennent de toutes origines. Des stratégies sont alors à mettre en place pour communiquer différemment, en s’aidant de gestes et d’outils pédagogiques simples comme le carton vert, ou en s’aidant de certains jeunes du groupe pour traduire aux nouveaux. D’autre part, l’importante rotation des jeunes au sein du programme du a leur trajet migratoire est un défi pour le suivi et l’évaluation et pour avoir une réelle intervention sur le long terme avec les mêmes jeunes.
D'autre part, des difficultés surgissent lors du travail avec les communautés d'accueil qui présentent souvent divers stéréotypes préjudiciables aux personnes déplacées et réfugiées, de sorte que les stratégies de sensibilisation dans les contextes urbains deviennent un axe essentiel pour la construction de sociétés plus inclusives.
Enfin, il est essentiel de disposer d'un réseau structurel de soutien et de partenariats - publics et privés - pour promouvoir l'inclusion dans les contextes urbains, afin d'élargir les possibilités de participation des jeunes réfugiés dans différents espaces. Ces partenariats avec des acteurs stratégiques impliquent non seulement des actions au niveau organisationnel, mais aussi avec des acteurs locaux par le biais d'actions spécifiques de formation et de renforcement des capacités. Dans cette dernière ligne, il est important de générer des stratégies pour le développement d'interventions - en particulier avec les jeunes et les adultes - axées sur la formation pour générer des projets professionnels et plus globalement des projets de vie.
Fútbol Más est profondément convaincu que le sport est bien plus qu'une activité physique : c'est un espace de rencontre, de reconnaissance mutuelle et de transformation sociale. En tant que vecteur d'inclusion et outil de lutte contre la discrimination, le sport a la capacité de construire des ponts là où l’on trouve des barrières.
Dans un contexte mondial marqué par la mobilité des personnes et les multiples formes d'exclusion qu'elle peut entraîner, il est essentiel que les pratiques sportives se reconfigurent avec un réel objectif social et répondent aux particularités de chaque contexte. Ce n'est qu'ainsi qu'il sera possible de garantir que tous les enfants et les jeunes - indépendamment de leur origine, de leur nationalité ou de leur lieu de résidence - puissent exercer leur droit de grandir, de jouer et de s'épanouir dans des conditions d'égalité. Le sport inclusif est, par essence, un engagement en faveur de communautés plus justes, plus solidaires et plus humaines.
Références :
Biographies des auteurs :
Katherine Hormazábal : Coordinatrice de la méthodologie internationale pour Fútbol Más. Travailleur social, Université Alberto Hurtado, Santiago, Chili. Master en protection juridique et sociale des personnes et groupes vulnérables de l'Université de Cadix, Espagne.
Sebastián Pellicer : Coordinateur de la gestion de l'information chez Fútbol Más, sociologue, Université catholique de Santiago, Chili.
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