Le sport pour lutter contre l’impact du déplacement : « penser global, agir local »

Cet article fait partie des contributions reçues en réponse à notre appel à articles sur le sport et les réfugiés. Si vous souhaitez participer, retrouvez toutes les informations nécessaires via le lien ci-dessus.
« Penser global »
L’intérêt pour la question de l’intégration de minorités à travers le sport est relativement récent. Les premières actions d’intégration par le sport étaient menées par la Croix-Rouge dans les années 1990, en Afrique du Sud, afin de réunir des communautés qui ne se côtoyaient presque jamais. Aujourd’hui, dans un monde où les migrations sont une réalité passée, présente et future, cette thématique est prise davantage en compte.
En parallèle des actions locales, des initiatives majeures impulsées par les instances sportives internationales voient progressivement le jour : l'Équipe olympique des réfugiés ou bien la création récente de la Olympic Refuge Foundation. Cette dernière est une fondation apparue en 2017, en partenariat avec le Comité International Olympique et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ayant pour mission de financer des projets sportifs pour les personnes réfugiées. Ces initiatives participent à l’amélioration du quotidien des réfugiés et permettent de faire valoir leurs droits.
Les droits des réfugiés sont des droits humains. Si nous nous basons sur ce constat de base, le sport, en tant que moyen, participe au développement direct des droits individuels, collectifs et civils des personnes réfugiées : droit à la santé, droit au développement et à l'autodétermination, droit à l’éducation et au travail, etc.
« Agir local »
Les personnes réfugiées sont souvent peu outillées et peu accompagnées pour s’insérer dans la société. Face à ce constat, l’association Kabubu s’est donnée pour mission de participer à l’inclusion de ce public en France par le biais du sport. Au niveau de l’inclusion, plusieurs freins ont été identifiés par notre structure : la barrière de la langue, le sentiment d’être jugé en permanence (la perception de leur image), les traumatismes et la peur du rejet.
Le sport est apparu comme un moyen idéal pour donner des éléments de réponse aux freins identifiés. Le sport est avant tout un langage universel et facilite l’intégration dans une communauté multiculturelle. Le sport est également un vecteur de bien-être et la pratique sportive favorise les rencontres de personnes locales et réfugiées, ce qui permet d’effacer les clichés lors de moments ludiques. Les différences et les barrières sont invisibles le temps d’une partie de football ou d’une séance de yoga. Dès lors, les clichés s’effacent et le dialogue, oral et physique, s’ouvre entre populations locales et réfugiées. L’activité physique est aussi un moyen de (re)gagner confiance en soi et de libérer la parole.
Chez Kabubu, nous souhaitons que nos communautés reflètent les valeurs du sport sur et en dehors des terrains. Cela se traduit par de la bienveillance, une écoute attentive et un respect d’autrui. Enfin, le sport est un loisir collaboratif et relaxant. Les personnes réfugiées évoluent généralement dans un environnement stressant de par leur situation instable et leur déplacement constant. C’est pour cette raison que nous prônons l’aspect coopératif du sport dans l’ensemble de nos actions.
La migration étant un phénomène global, nos réflexions sont alignées avec les études mondiales sur le sujet à travers notamment la boîte à outils « Sport pour la protection » élaborée par HCR, le CIO et Terre des Hommes.
La première dimension de la boîte à outils est l’inclusion sociale. Au sein de Kabubu, nos séances de sport hebdomadaires sont gratuites pour toutes et tous. Ces activités sportives sont une voie d’entrée vers des programmes plus conséquents (formation diplômante d’animateur sportif, mise en place d’activités sportives dédiées à un public féminin, etc.). La deuxième dimension est la cohésion sociale. Les programmes de formation permettent à des personnes réfugiées de créer et de s’insérer au sein de communautés vivantes. En s’adaptant à chacun des bénéficiaires via un accompagnement personnalisé, nous renforçons l’appartenance de chacun au collectif. Enfin, la troisième dimension est le bien être psychosocial. Nous avons observé des points communs entre les parcours qu’ont vécu les personnes réfugiées et la pratique d’un sport. En effet, une personne qui a connu un parcours d’exil a certainement dû faire preuve de résilience, qualité essentielle pour un.e sporti.f.ve qui doit adapter son comportement en fonction de son environnement et de ses aptitudes physiques et mentales.
Concrètement, nos programmes visent à avoir un impact au sein de notre environnement local. Par exemple, en ce qui concerne la thématique de l’égalité d’accès aux programmes pour les femmes et les hommes, nous développons un programme 100 % féminin, « Potenti’elles ». Nous avons pour ambition de construire un programme holistique sur mesure, qui s’adapte aux besoins précis de ce public (confiance en soi, accompagnement individualisé, sécurité). Nous travaillons également sur la sensibilisation de publics peu informés sur la thématique de la migration. Par la mise en place d’ateliers collaboratifs pour des salariés d’entreprises et animés par des personnes réfugiées formées, nous souhaitons apporter un éclairage positif sur la collaboration multiculturelle et la migration en général.
Au sein de Kabubu, le sport possède une finalité sociale et humaniste. À travers l’activité physique, l’organisation de rencontres mixtes (personnes ayant un parcours d’exil et locaux), et la mise en place de programmes de formation, l’objectif premier est de rendre proactives et autonomes les personnes que nous accompagnons. L’accès aux droits est indéniablement lié à l’autonomisation « positive » de l’individu, étape indispensable pour son bien-être et son inclusion dans la société.
Thomas Pascal est en service civique chez Kabubu et co-responsable de l’association Horizon Sport.
Peyman Baghdadi est chef de projet chez Kabubu et contributeur pour l’Observatoire des camps de réfugiés.
Activité