Que se passe-t-il lorsque le sport tourne mal ?

Tout le monde sait que le sport n’est pas un être vivant, qu’il s’agit simplement d’un outil à notre service que nous pouvons utiliser pour tenter d’atteindre nos objectifs. Cependant, j’ai rarement lu des articles décrivant minutieusement ces essais, me concentrant plutôt sur les processus eux-mêmes. Nous essayons et parfois nous réussissons complètement, parfois seulement partiellement, parfois non. Mais la raison derrière ces différents résultats ne réside pas dans des qualités négatives qui seraient inhérentes au sport. Le sport n’est qu’un concept abstrait que nous avons inventé pour désigner un ensemble d’activités que nous, les humains, avons inventées et qui peuvent être utilisées à différentes fins. L’essentiel est de bien utiliser cet outil : le sport.

Concentrons-nous sur eux : sur quels sports particuliers nous utilisons dans chacun des projets (j'utiliserai « activités » pour faire référence plus généralement au sport et aux activités physiques). Il n’est pas courant de trouver des documents ou des rapports décrivant les activités utilisées et la manière dont elles ont été utilisées. Les descriptions détaillées des activités utilisées dans les différentes phases ou sessions sont rares.

Juste pour être clair, il faut dire que j'ai trouvé des articles vraiment intéressants et pertinents, mais la plupart se concentrent uniquement sur les aspects managériaux de ces projets. Le site sportanddev illustre également ce fait. La section boîte à outils se concentre principalement sur l'offre de procédures d'évaluation ou d'autres boîtes à outils utiles pour l'élaboration et le développement de programmes sportifs, mais uniquement d'un point de vue managérial.

La même chose se produit dans le monde universitaire. En tant qu'universitaire spécialisé dans le sport, j'ai été en contact avec trois programmes universitaires (en tant que chercheur dans le programme « Médiation par le sport » à l'Université Paris Nanterre ; en tant que doctorant invité à l'ICESD de l'Université de Western Cape ; en tant que doctorant externe consultant dans l'élaboration du programme d'études « Études sociales du sport au niveau communautaire » à l'Université UNAD de Bogotá). Tous ces projets portent essentiellement et presque exclusivement sur le management (seule l'université française propose quelques contenus sur les activités elles-mêmes).

Cette partie managériale est bien sûr nécessaire et vitale pour le succès des programmes, mais il faut garder à l'esprit que les plans doivent être mis en œuvre sur le terrain, ce qui implique de devoir faire face à des situations et des défis inattendus, de diriger un groupe de les praticiens et les participants, etc. Comme l’affirmaient les politologues Wildavsky et Pressman en 1973, la mise en œuvre n’est jamais un processus simple d’application des actions planifiées et atteindre les objectifs définis au préalable peut être plus compliqué que prévu. Cependant, dans le domaine du sport au service du développement, la mise en œuvre tend à apparaître comme un élément secondaire et est rarement prise au sérieux par les chefs de projet.

La même chose se produit sur le terrain, car plusieurs praticiens semblent négliger l'importance des activités qu'ils utilisent dans leurs programmes. En tant que praticien, j'ai collaboré avec les organisations Oasis (Cape Town, Afrique du Sud) et Hands of Life (Mafeteng, Lesotho), visité d'autres associations similaires et échangé avec plusieurs praticiens. J'ai pu constater que beaucoup d'entre eux ont un parcours professionnel dans le sport de compétition et des connaissances approfondies sur leur discipline mais surtout liées à la performance. À ma grande surprise, beaucoup manquaient de connaissances sur d'autres disciplines et surtout sur d'autres activités comme les jeux traditionnels, les jeux coopératifs ou les variantes sportives adaptées.

De manière générale, tant du côté des praticiens que des acteurs, les théories fondées sur les caractéristiques des activités physiques et sportives, comme celle développée par Parlebas (appelée praxéologie), sont méconnues. Cela peut conduire à recourir à des activités présentant des caractéristiques « essentielles », qui peuvent être plus ou moins inappropriées au but recherché. De nombreux exemples pourraient illustrer cette inadéquation entre les objectifs du programme et les activités utilisées : un programme visant à favoriser la cohésion entre adolescents exclus au Canada par la course à pied des marathons (même s'il est possible de courir en groupe, il s'agit d'une activité individuelle avec peu d'interaction parmi les participants par rapport à d’autres activités) ; une ligue de football créée pour rapprocher les ex-guérilleros et les agriculteurs locaux en Colombie en jouant les uns contre les autres (la rivalité ne diminuera guère à moins que l'activité elle-même ou l'organisation de la ligue ne change) ; une organisation de football de rue visant l'inclusion des personnes handicapées en France (la compétition est une caractéristique clé des sports modernes comme le football ; même si elle peut être en partie contrôlée, d'autres activités aux caractéristiques plus inclusives existent et pourraient être utilisées à la place).

Lorsqu'on constate de l'hypercompétitivité, de l'agressivité, de la violence, de la tricherie ou tout autre phénomène indésirable, au lieu d'abandonner ou de rejeter la faute sur quelqu'un d'autre, nous devrions remettre en question nos méthodes et nous demander si nous ne cherchons pas à construire un édifice aussi complexe qu'une cathédrale en utilisant seulement un marteau, des clous de 9 pouces et une scie comme outils.

Ekain Zubizarreta Zuzuarregi est doctorant à l'Université Paris Nanterre, co-créateur et praticien d'un programme de sport pour la réinsertion à la prison pour mineurs d'Ibaiondo (Zumárraga, Espagne).