« Women on the Move Uganda » : un programme de football en faveur de la santé mentale signé SA4D
Bledina arrête la balle à hauteur de poitrine et la botte au-dessus des têtes de l’équipe adverse, puis dans les buts. Elle s’élance vers le ciel de l’après-midi, ses coéquipières célébrant le but par une danse rythmique. En marge du terrain de football argileux, les spectateurs applaudissent. 1-0, l’avance est bien méritée.
Il y a deux ans, Bledina a fui le Soudan du Sud. Elle a passé trois jours sur des sentiers en fuyant à travers la brousse. « C’était difficile avec les enfants et en portant tous les bagages sur ma tête », explique-t-elle. Son mari est resté au Soudan du Sud. Sa fille ainée n’avait que cinq ans à l’époque. Ils sont arrivés au camp de réfugiés en Ouganda au milieu de la saison des pluies. « Je n’avais rien pour protéger les enfants. Ils étaient trempés par la pluie, rien ne pouvait l’arrêter. »
Le camp de réfugiés de Palorinya suggère un retour à la normalité et se distingue à peine d’un village ordinaire du nord de l’Ouganda, les toitures confectionnées à partir de bâches de l’ONU brillent au soleil. Palorinya est situé à environ 30 kilomètres de la frontière sud-soudanaise. Sur une zone de 40 kilomètres carrés, 120 000 réfugiés en provenance du Soudan du Sud vivent côte à côte avec la population ougandaise.
« Ils m’ont laissée au milieu de la brousse et ont crié : "Trouve un endroit !" ». Cecilia agite ses bras en imitant les fonctionnaires qui l’ont amené à Palorinya après qu’elle se soit enregistrée comme réfugiée. « Les gens arrachaient les herbes hautes avec leurs mains afin de dégager de l’espace pour construire une hutte ». Agée de 60 ans, Cecilia est maintenant en train d’applaudir depuis les lignes de touche. Vous ne pouvez la rater avec son T-shirt vert citron agrémenté d'une carapace de tortue grandeur nature.
En tant que femme célibataire, elle n’a pas obtenu une bonne parcelle. « Les hommes ont pris tous les bons terrains », explique-t-elle. Le sien est marécageux. Lorsqu'elle a planté des pommes de terre, elles ont été emportées par les eaux pluviales. Mais ce n’est rien comparé à la perte de ses enfants, « si je pense à ça, mon cerveau brûle ». Cecilia a fui quelques semaines après Bledina. « Je suis partie le 5 février 2017. C’était un dimanche. J’ai fui seule en important seulement ma literie ». Cecilia a dû laisser ses chèvres et ses cochons derrière elle. Ses cinq fils sont morts.
En 2011, après des décennies de conflit avec le Nord, le Soudan du Sud est devenu indépendant. Mais l’espoir partagé par la communauté internationale a été endommagé en 2013 par une lutte acharnée pour le pouvoir politique et les ressources. Les troupes armées ont pillé et brulé des villages entiers, enlevant, torturant et tuant les civils. D’après une étude datée de 2018, 400 000 personnes ont été tuées durant le conflit. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a rapporté un nombre horrifiant de viols collectifs utilisés comme arme de guerre. Il y a actuellement près de deux millions de déplacés à l’intérieur du Soudan du Sud et 2,3 millions de personnes ont fui le pays. Un tiers de ces personnes vivent dans des camps de réfugiés dans le nord de l’Ouganda.
Souvenirs et débuts
Il y a presque égalisation. Une femme en T-shirt rouge décoloré se précipite pour botter le ballon loin du but. Plus tard, elle se présentera comme « Gloria ». Le dos de son T-shirt dit « Women on the Move ». « J’ai eu ce haut en 2012 », explique Gloria. C’est à ce moment là que la SA4D et l’ONG locale South Sudan Psychosocial Programme (SSPP) ont lancé un projet au Soudan du Sud pour soutenir les femmes traumatisées par la guerre et d’autres violences. Grâce au sport et au jeu, les deux organisations ont élaboré des stratégies pour mieux composer avec leurs expériences. Les jeux ont été utilisés comme une plateforme pour explorer les sujets tabous et partager leurs expériences mais le football en a été le clou et un symbole de l’autonomisation. Quand les participantes ont dû choisir un sport, elles sont allées vers le football, ce qui est tabou pour les femmes au Soudan du Sud. Le slogan des « Women on the Move » est « ce que les hommes font, les femmes ont été en mesure de le faire depuis longtemps ».
En 2012, Gloria venait de quitter l’école et était malheureuse en ménage. « Women on the Move » l’a aidée à tirer le meilleur parti de la situation : « Les femmes m’ont appuyée et encouragée ». Quand Gloria s’est enfuie en Ouganda en 2016, elle a amené son T-shirt avec elle, « je ne pouvais l’abandonner ». Gloria rit et détourne la tête avec embarras. « J’espérais que « Women on the Move » survivrait. »
Peu de temps après l’arrivée de Gloria à Palorinya, de plus en plus de femmes ont parlé aux entraîneurs qui avaient également fui. Ils ont recommencé à diriger des séances sur une base volontaire. Lorsqu’ils ont finalement retrouvé Kenneth Godi, le chef de l’organisation et membre de l’équipe centrale, « Women on the Move Uganda » a pris forme. « La forte volonté des gens m’a motivé à faire quelque chose à nouveau. »
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